Joseph Ratzinger sur « La profession du musicien sacré aujourd'hui » (1975) — Ressources liturgiques - Association Sacrosanctum Concilium

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Se connecter à l'espace privé
Menu

Joseph Ratzinger sur « La profession du musicien sacré aujourd'hui » (1975)

Intervention à la table ronde « La profession du musicien sacré aujourd'hui » du 25 mai 1975, dans le cadre de la Discussion pour le centenaire de l’École de Musique sacrée de Ratisbonne, in Franz Fleckenstein (éd.), Kirchenmusik im Gespräch, Bonn, 1976, pp. 24-27, trad. Eric Iborra.

« Je voudrais présenter mon thème en quatre thèses.

  • 1ère thèse : La musique sacrée représente selon l'article 112 de la constitution liturgique de Vatican II une " partie nécessaire et intégrante de la liturgie solennelle ".

Cela signifie que pour la liturgie, prise dans sa totalité, la musique sacrée n'est pas une composante essentielle mais complémentaire. Formulé en termes encore différents, cela veut dire que la musique sacrée n'est pas requise pour la validité de chaque célébration liturgique, si bien que l'eucharistie peut être également célébrée légitimement et valablement en tant que missa lecta, sans chant. S'il est donc vrai que la musique sacrée n'est en aucun cas nécessaire à toutes les célébrations euchristiques et à tous les offices liturgiques, l'Église amputerait cependant sa mission de glorification du Seigneur d'un élément complémentaire si elle en venait à éliminer une fois pour toutes la musique sacrée. C'est la raison pour laquelle la musique sacrée, même si elle n'est pas nécessaire à chaque célébration, doit cependant être présente dans l'action de l'Église dans sa totalité.

Cette nécessité intime de la musique sacrée tient, pour l'Église, à la continuité qui existe entre sa prière et la prière d'Israël. Les prières de l'Ancien Testament, les psaumes, sont des chants ; ce sont les prières de Jésus. En priant avec lui, et à travers Lui avec le peuple élu de l'Ancienne Alliance, l'Église se sait appelée à assumer la musique comme un geste, ouvert et adapté à l'homme, de glorification, comme inclusion de la création dans la glorification, dans le service de la prière. Si nous trouvons ici un fondement de la musique sacrée dans la théologie de la création et de l'Alliance, le judaïsme et le christianisme primitifs l'ont prolongé, par l'idée plus platonisante de la liturgie céleste à laquelle s'unit la liturgie terrestre qui chante alors avec les choeurs angéliques ; mais le sens fondamental de l'affirmation reste le même.

  • 2ème thèse : La musique sacrée est, par conséquent, dans son essence, un acte liturgique, mais dans la même mesure aussi, un acte musical.

Elle est réglée par les lois de la liturgie, mais elle n'est liturgique que dans la mesure où elle insère dans la liturgie sa nature musicale propre. De la sorte, on rejette deux propositions extrêmes. D'un côté on repousse une position purement esthétique qui voudarit comprendre la musique et la liturgie chacune pour elle-même, ce qui revient à refuser l'hendyadis* « musique sacrée », considérant la musique comme tâche à exécuter seulement sur la base de lois propres, ce qui lui ferait entretenir un rapport purement fortuit, extrinsèque, à la liturgie. Il suffirait alors au musicien sacré d'être un musicien dont le lieu de travail soit de fait l'église, sans qu'existe une relation interne avec la nature particulière de la cérémonie liturgique.
Le con traire de cette conception part des mêmes prémises : l'impossibilité d'une liaison intime entre les deux natures, musique et liturgie, mais cette fois-ci du côté d'une solution purement pastorale : la musiqe sacrée conçue non comme une musique mais en un sens simplement fonctionnel commemoyen de l'action pastorale. La mùusique, ici, n'aurait pas besoin d'être musicale mais seulement de servir à la liturgie. Le musicien sacré serait un simple liturge pour lequel il serait même dangereux de s'y connaître trop bien en musique.

La conception opposée affirme que dans son essence même la liturgie est ouverte à la musique mais encore qu'elle l'exige ; de ce fait, dévotion et fonctionnalité ne peuvent prendre la place de l'adéquation intérieur et de la qualité musicale : un tel échange reposerait plutôt sur une mauvaise compréhension et de la dévotion et de la liturgie. Par ailleurs on fait également observer que la musique, pour pouvoir subsister dans son essence véritable, ne peut prétendre à l'art pour l'art [en français dans le texte] pur, mais bien plutôt qu'elle doit, dans l'acte collectif d'adoration, non seulement admettre qu'elle occupe une tâche ancillaire mais aussi et surtout reconnaître qu'elle est ouverte à cette fin du fait de sa nature. De là découlent logiquement les troisième et quatrième thèses..

  • 3ème thèse : La profession de musicien sacré est par conséquent une profession véritablement liturgique et pastorale.

Si dans l'expression « musique sacrée », les deux termes valent l'un et l'autre au sens fort, comme on vient de le montrer, la musique sacrée ne peut être adéquatement exécutée que par celui qui la conçoit  à pmartir de l'essence de la liturgie et qui donc s'y intéresse de ce point de vue. Mais en ce cas, la musique sacrée n'est plus une simple action esthétique, aux marges de l'Église : elle devient un véritable service liturgique. Cela disipe deux malentendus. D'un côté certains tenants de la tradition ecclésiale déduisent du caractère liturgique de la musique sacrée que le musicien, en tant que liturge, ne peut être un laïc, ce qui implique l'exclusion des femmes et requiert même un certain degré d'ordination. On se trouve alors face à une relégation de la musique dans le purement liturgique, position réfutée plus haut, en mêmme temps qu'à un malentendu concernant l'action liturgique, le caractère de sujet de l'action étant refusé à l'Église dans sa totalité pour le réserver aux seuls clercs. D'un autre côté, il faut refuser la pleine séparation des fonctions ; puisque le service musical est un service liturgique, il peut très bien être accompli comme une forme de service pastoral et donc aussi sacredotal. Une musique sacrée véritablement exécutée en partant des exigences de la liturgie est une modalité de l'apostolat et elle sret à l'édification de la communauté.

  • 4ème thèse : La profession de musicien sacré est en même temps une profession réellement musicale et exige une véritable qualification musicale.

Le musicien sacré devrait être en mesure de faire vraiment de la musique, c'est-à-dire de maintenir dans l'Église, ou bien d'introduire ex novo, une dimension qui relève de sa mission. Ici, naturellement, comme dans tout ce que l'on a dit jusqu'à présent, la pratique pose sans doute des limites que le musicien sacré percevra d'autant plus qu'il est musicien. La musique n'aura certainement pas de grandes prétentions artistiques dans la pluspart des  communautés mais seulement dans une minorité de celles-ci. Mais il n'en serait pas pour autant erroné de conclure qu'à l'église la musique ne peut être comprise que d'une manière purement fonctionnelle et que l'adaptation à la pastorale doit complétement se substituer à la qualité de la musique. C'est précisément dans les communautés qui ont peu de moyens que le musicien sacré doit avoir une authentique qualité musicale pour reconnaître et réaliser ce qui est possible et digne dans les limites qui lui sont imparties - et digne aussi sur le plan musical. Il lui incombe alors une tâche d'éducation qui pourtant, en dernière instance, sert également à l'ensemble de la musique comme aussi à la construction de la communauté : dans cette action éducative l'aspect pastoral et l'aspect musical fusionnent. Pour difficile qu'elle soit, cette tâche doit être considérée comme une nservice signalé rendu par le musicien sacré aussi bien à l'Église qu'à l'humanité.

__________

* Hendyadis : Figure de rhétorique qui consiste à dissocier une expression unique (nom et adjectif ou nom et complément) en deux noms coordonnés.

  • Sacrosanctum Concilium 30

    Extrait de la Constitution Sacrosanctum Concilium

    Participation active des fidèles.

    SC 30.Pour promouvoir la participation active, on favorisera les acclamations du peuple, les réponses, le chant des psaumes, les antiennes, les cantiques et aussi les actions ou gestes et les attitudes corporelles. On observera aussi en son temps un silence sacré.