50 ans de Musicam Sacram dans LMD
L’instruction Musicam sacram, publiée par la Sacrée Congrégation des Rites en 1967, et dont nous fêtons le cinquantième anniversaire, n’a sans-doute pas été considérée comme un texte majeur du magistère : notre revue y a fait à peine allusion à l’époque ! Cependant, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que ce texte, remarquable dans son équilibre et son ouverture, est le témoin d’une évolution du rôle et de la spécificité de la musique liturgique dans le sens de Vatican II, et dont nous mesurons mieux, cinquante ans après, qu’il en trace quelques orientations majeures. C’est pourquoi, il est apparu opportun de souligner cet anniversaire, d’en saisir l’occasion pour effectuer un « nouveau » point d’étape dans la recherche d’une musique liturgique toujours davantage au service de l’action pour la sanctification des hommes et la glorification du Père dans l’exercice de la fonction sacerdotale du Christ (cf. SC 7).
Notre dossier s’ouvre avec le discours du pape François, le 4 mars dernier devant le Congrès international de musique sacrée qui fêtait l’anniversaire de Musicam sacram. Les propos du pape sont limpides : ils sont un véritable encouragement à continuer à œuvrer pour une musique liturgique qui « aide l’assemblée et le peuple de Dieu à percevoir et à participer, par tous les sens, au Mystère de Dieu ». Le Professeur Ekhard Jaschinski qui fit sa thèse à Paderborn sur la musique sacrée – en particulier sur Musicam sacram – retrace l’historique de l’élaboration de cette Instruction et en donne un bref commentaire pour aujourd’hui. Il relève notamment combien celle-ci tout en constituant un repère sûr, se trouve actuellement dépassée devant les divers styles de musique employés. Il revient ensuite à Michel Steinmetz, connu des lecteurs de La Maison-Dieu pour sa compétence en la matière et dont la thèse en théologie soutenue à Paris portait sur la fonction ministérielle de la musique sacrée dans la liturgie, de faire un état le plus complet possible de la question. Il situe, tout d’abord, la naissance de Musicam sacram dans les nombreux débats, voire combats, entre d’un côté, les partisans d’un certain conservatisme valorisant le patrimoine de musique sacrée et de l’autre, les liturgistes et musiciens soucieux de favoriser la participation active des fidèles. Après avoir passé en revue « les différentes passes d’armes » avant, pendant et après le concile Vatican II, il montre comment ce texte trouve un équilibre et marque une certaine ouverture : l’Instruction constitue même « une étape déterminante de la Réforme et un approfondissement ecclésiologique ».
Les querelles qui ont précédé la publication de Musicam sacram ne se sont pas totalement éteintes avec cette Instruction, ni même cinquante ans après. Cependant, le climat semble aujourd’hui plus apaisé. En témoignent les articles des trois musiciens qui apportent leur contribution à ce dossier. Emmanuel Bellanger montre comment, avec Musicam sacram, l’on peut saisir avec intelligence la « primauté du chant grégorien » dans la liturgie selon Vatican II en intégrant les apports spécifiques de ce chant dans la mise en œuvre de nos célébrations, quels que soient les styles ou les factures des musiques employées. Philippe Robert reprend les aspects saillants de l’Instruction dont il précise les principaux fruits aujourd’hui tout en pointant le travail qu’il reste à accomplir pour faciliter la participation des fidèles. Une participation qui demande à être autant intérieure qu’extérieure, à se déployer par le chant mais aussi par le silence et l’écoute, et qui requiert la formation des principaux acteurs musicaux et de l’ensemble des fidèles. Vincent Decleire souligne lui aussi l’intérêt de Musicam sacram mais déplore que l’Instruction ait été débordée dans sa pratique : en voulant faciliter la participation active des fidèles, elle a – pour une part – ouvert la voie à une certaine dérégulation de la musique liturgique. Il pointe, en particulier, l’émergence massive de messes avec animateur-chantre ou de chants d’assemblée trop souvent dépourvus de sens liturgique tel que l’entendait l’Instruction.
On le perçoit à la lecture de ce dossier : le chantier est loin d’être abouti. Il ne s’agit ni de se lamenter, ni de se contenter de la situation que nous connaissons. Il nous faut, au contraire, remettre notre ouvrage sur le métier avec ardeur pour que la liturgie de l’Église accomplisse toujours mieux son œuvre « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ». La tâche n’est pas plus aisée que dans les années conciliaires, mais elle revêt aujourd’hui un caractère prioritaire dans nombre de paroisses.
L’une des difficultés majeures rencontrées aujourd’hui dans la musique liturgique réside dans le discernement à opérer sur les chants qui conviennent ou ne conviennent pas à l’action liturgique. Le sujet est délicat, tant les susceptibilités sont grandes dans ce domaine, mais il est pourtant essentiel. C’est pourquoi nous recevons avec gratitude la contribution de Jo Akepsimas, chanteur et compositeur de chants liturgiques connus, que nous avons placée en varia. Il essaie de préciser les « critères de convenance » pour le chant liturgique, prolongeant ainsi notre dossier et offrant quelques pistes concrètes pour le chantier à poursuivre. Sr Bénédicte Marie de la Croix Mariolle, dans un article placé lui aussi en varia, aborde la question délicate des liturgies possibles en maison de retraite ou en hôpital, eu égard à la disponibilité relative des ministres ordonnés aujourd’hui. Tout en résumant de manière très fine la théologie de l’eucharistie qui permet de bien saisir la centralité de sa célébration, elle ouvre quelques pistes à partir des ressources de la Tradition telles que les fournissent les rituels.
Les Chroniques de ce numéro nous offre l’occasion de découvrir ou redécouvrir le CML (Certificat de musique liturgique) que propose l’Institut supérieur de liturgie de Paris, et qui constitue une des réponses à l’exigence de formation que réclame Musicam sacram. Patrick Prétot, qui en est le responsable actuel, en précise les modalités et les enjeux. Un compte-rendu des semaines d’études liturgiques italiennes fait écho des travaux de nos amis liturgistes transalpins. Il aborde la question des « hommes et femmes au service de la liturgie » que nous aurons l’occasion de reprendre ultérieurement. Enfin, quelques recensions concluent comme à l’habitude ce numéro, suivis cette fois des tables de La Maison-Dieu 2016-2017.