Le chant des siècles : Lucien Deiss, un musicien hanté par la Parole de Dieu — Ressources liturgiques - Association Sacrosanctum Concilium

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Se connecter à l'espace privé
Menu

Le chant des siècles : Lucien Deiss, un musicien hanté par la Parole de Dieu

Un article de Philippe Robert, paru dans Signes musique n°122.

Comment s’approprier la Parole de Dieu ? Une des manières est de la chanter pour qu’un jour, du fond de notre mémoire, resurgissent à notre insu les mots de notre foi.

Déjà dans l’article précédent (SM 121), nous avons montré l’intérêt que Lucien Deiss portait au fait de chanter l’Écriture. “ Tout Deiss est là ; dans cette hantise de la Parole de Dieu, cette hantise de faire connaître la Parole de Dieu, cette hantise de proclamer, par la Parole et la Parole mise en musique, que Dieu est grand, que Dieu est beau, que Dieu est amour. ” (R. Metzger). On se souviendra du chant L 77, Dieu de tendresse et Dieu de pitié.

Le travail de L. Deiss ne s’est pas arrêté au chant des psaumes, il a aussi porté sur d’autres textes de l’Écriture et sans doute plus particulièrement sur les Cantiques du Nouveau Testament, et dans les écrits pauliniens, et dans le livre de l’Apocalypse. Mais avant d’aborder ces Cantiques, il convient de mentionner les deux recueils de chants consacrés à la Vierge, qui les ont précédés.

Marie, Fille de Sion

En 1957, L. Deiss publie un livret de chants ayant pour thème la Vierge Marie. De chants à Marie, les recueils de cantiques du début du XXe siècle n’en manquaient guère, mais ces chants étaient avant tout dévotionnels et peu inspirés de l’Écriture. Ce qui fait l’originalité des cantiques du Père Deiss, c’est que ceux-ci mettent en avant le mystère de Marie et en révèle à la fois sa dimension christologique et sa dimension ecclésiale. “ Marie est mère de Jésus ; en tant que telle, elle est toute référence au Christ, elle n’existe sur le plan surnaturelle que dans sa relation avec Jésus. Elle ne peut donc être objet de piété et de louange chrétiennes que dans sa relation au Seigneur. Louer la Vierge, c’est d’abord louer le Christ qui est né d’elle. ” (Deiss) Le recueil s’ouvre d’ailleurs sur une doxologie : Au Roi des siècles. Mais Marie n’est pas seulement la mère du Christ, elle est aussi la mère de tous les hommes pour que ceux-ci deviennent tous frères en son Fils. “ Marie est à l’origine de l’Eglise nouvelle. ” L’année suivant, en 1958, L. Deiss fait paraître un second recueil intitulé de la même manière. Si on regarde la table des références des textes, on remarque que ceux-ci sont tous inspirés de l’Ecriture ou de textes liturgiques des offices de la Vierge. Les deux chants les plus connus de ces deux livrets demeurent certainement V 69, Tu es l’honneur et Z 112-2, Louez, Serviteurs du Seigneur. Certains se souviendront peut-être aussi de l’audacieux V 76, Voici qu’apparut dans le ciel, dont le texte est emprunté au chapitre 12 de l’Apocalypse.

Un seul Seigneur

I 45, Souviens-toi de Jésus Christ, chant mondialement connu du Père Deiss et aujourd’hui encore fréquemment chanté par les assemblées chrétiennes, provient d’un nouveau recueil, Un Seul Seigneur, Hymnes de saint Paul, parut en 1960. Ce chant n’est pas le seul de ce recueil qui soit encore chanté aujourd’hui après cinquante ans d’existence. Citons aussi X 11, Seigneur, tu as vaincu la mort, I 46, Un seul Seigneur, X 10, Gloire et louange à toi et, dans une moindre mesure, K 24, Citoyens du ciel. Ces chants font maintenant partie du fond  commun du répertoire liturgique francophone. Ces chants témoignent peut-être de l’originalité du Père Deiss. Si Joseph Gelineau avait permis au peuple chrétien de rechanter les psaumes dans sa langue, Lucien Deiss lui offrait de chanter des textes fondamentaux du Nouveau Testament figurant dans les Epîtres pauliniennes. Ces hymnes néo-testamentaires ont pu ainsi s’inscrire dans la mémoire de nombreux chrétiens. Elles permettaient de redire sous forme lyrique les fondements de la foi chrétienne. Que ce soit le mystère pascal, Souviens-toi de Jésus Christ…Si nous mourons avec Lui, avec Lui nous vivrons, ou celui de l’unité des chrétiens dans le Corps du Christ, Un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père. Tous ces chants sont judicieusement présentés sur la pochette du disque vinyle original SM 33-78. Notons toutefois que ces hymnes sont traitées musicalement sous la forme “couplet-refrain” et non sous la forme hymnique, qui est strophique.

Hymnes et Prières

Ainsi s’intitule le recueil de chants publié par le père Deiss en 1961. Remarquons que tous les recueils que nous avons présentés ont été publiés avant le Concile Vatican II ! Ici encore nous trouvons plusieurs chants qui font toujours partie du répertoire commun des assemblées. Quelques-uns sont aujourd’hui redécouverts par ceux qui sont nés bien après leur création. Que l’on songe par exemple à I 47, Dieu règne, chanté aux JMJ de Paris en 1997 ! Certains de ces chants ont été composés pour le pèlerinage des étudiants à Chartes sous l’impulsion de Jean-Marie Lustiger, à cette époque aumônier des étudiants de Paris. C’est le cas par exemple de C 49, Peuple de prêtres. Dans ce recueil, nous trouvons à nouveau plusieurs chants de forme “couplet-refrain”. Pour certains, le père Deiss a traité le couplet en style récitatif. Par exemple pour Y 8, Un enfant nous est né.

Les sources des textes de ces chants sont, pour certains, encore et toujours scripturaires et pour d’autres, les hymnes et prières des premiers siècles chrétiens, textes que L. Deiss présentera dans un ouvrage du même nom paru aux éditions Fleurus en 1962. Dans son introduction, le livret mentionne toutes les références, des antiennes et des versets. Il propose aussi des notes pour l’exécution de ces chants et précise leur usage liturgique.

Une originalité de ce livret est de proposer de grandes prières d’intercession : une d’après la liturgie de saint Jacques, une autre sur un texte de saint Clément de Rome (92-101) et une troisième qui est la Prière du Pape Gélase (492-496), mise également en musique par J. Gelineau. Ces prières sont à rapprocher de ce que nous appelons aujourd’hui la “Prière universelle”. Rappelons cependant que cette prière n’a pas de place dans la messe au moment de la publication du P. Deiss et on sent dans la proposition d’usage liturgique qu’il fait de ces prières d’intercession que l’usage de celles-ci dans la célébration eucharistique n’est pas bien définie. La prière universelle sera rétablie par le Concile Vatican II après un silence de plus d’un millénaire. Rapprochons aussi de ces prières d’intercession un chant d’après les litanies de la Vierge, V 87, Nous vous saluons, Vierge dont le refrain demande à Marie d’intercéder pour nous auprès du Seigneur : Priez le Seigneur pour nous. Prends place aussi dans ce recueil la belle prière du soir de saint Grégoire de Naziance (329-390) chantée encore aux Complies : P 34, Seigneur, si ton amour veille sur nous.

Joie au ciel

Mentionnons encore ce recueil de 1963, paru avant la publication de la Constitution sur la liturgie (4 décembre 1964). On y trouve des hymnes de l’Apocalypse (par exemple K 40, La nouvelle Jérusalem), des doxologies et des acclamations, un chant sur l’Alliance Nouvelle, une hymne sur l’Église et une prière d’intercession inspirée de la Liturgie de saint Jacques. Quelques-uns de ces chants sont encore bien connus aujourd’hui. Citons par exemple : K 39, Voici la demeure de Dieu, D 92, Les pauvres mangeront, D 94, Nous te rendons grâce dont le texte s’inspire de la Didaché, petit livre d’enseignement paru entre 100 et 150 ap. J.-C., L 24, La joie du Seigneur est notre rempart, et K 41, L’Alliance nouvelle, dont le refrain est encore dans la mémoire de beaucoup de fidèles : “ Donne-nous, Seigneur, un cœur nouveau. Mets en nous, Seigneur, un esprit nouveau. ” (Ez, 36, 26)

Philippe ROBERT

Un seul Seigneur

“ En reprenant les Épîtres de l’Apôtre, en relisant ces phrases échevelées où Paul fouette les mots pour leur faire exprimer la surabondance d’une pensée sans cesse jaillissante, on rencontre parfois, telles des oasis épargnées par la tornade, de courts fragments hymniques, formulés dans un rythme calme et paisible, et qui ont toute chance d’appartenir à la catéchèse et à la liturgie chrétienne les plus primitives. Il eût été regrettable de ne pas chercher à mettre en valeur ces hymnes d’une inestimable richesse, de ne pas leur donner un revêtement mélodique et harmonique, de sorte que les fidèles puissent les chanter et les garder à jamais dans leur mémoire. ” (Lucien Deiss, Préface du recueil Un seul Seigneur)

Chants  et antiennes de L. Deiss dans le CNA

A 34, Terre entière acclame Dieu (Ps 65)

C 49 (577), Peuple de prêtres

D 92 (333), Les pauvres mangeront

G 48 (423), Oui, je me lèverai

G60 (428), Seigneur, ne nous traite pas

I 33 (592), Louange de gloire

I 45 (588), Souviens-toi de Jésus Christ

I 46 (597), un seul Seigneur

I 47 (490), Dieu règne

I 67, Eveille-toi, ô toi qui dors

K 17, O Seigneur, envoie ton Esprit (Ps 103)

K 35 (565), L’Esprit de Dieu

K 41 (549), L’Alliance nouvelle

L 24, La joie du Seigneur (Ps 18)

P 23, Garde mon âme dans la paix (Ps 4)

P 28 (807), Joyeuse lumière

X 10 (555), Gloire et louange à toi (NT 7)

X 11 (587), Seigneur, tu as vaincu la mort

Y 8, Un enfant nous est né (Ps 97)

Z 112-2 (567), Louez, serviteurs du Seigneur

Z 172-3, Sauve-nous, Seigneur (NT 3)

 

  • Sacrosanctum Concilium 115

    Extrait de la Constitution Sacrosanctum Concilium

    La formation musicale.

    SC 115. On accordera une grande importance à l'enseignement et à la pratique de la musique dans les séminaires, les noviciats de religieux des deux sexes et leurs maisons d'études, et aussi dans les autres institutions et écoles catholiques ; pour assurer cette éducation, les maîtres chargés d'enseigner la musique sacrée, seront formés avec soin.     
    On recommande en outre d'ériger, là où c'est opportun, des instituts supérieurs de musique sacrée.     
    Aux musiciens et chanteurs, surtout aux enfants, on donnera aussi une authentique formation liturgique.