Sur la musique sacrée — Ressources liturgiques - Association Sacrosanctum Concilium

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Sur la musique sacrée

Quelques citations qui posent bien la problématique de la nature de la musique sacrée et de ses évolutions au cours des siècles, spécialement après la réforme liturgique du Concile Vatican II et le chapitre VI de la Constitution sur la liturgie.

Avertissement

Les extraits suivants sont donnés à titre d'exemples de textes qui permettent de comprendre le problème posé par la place de la musique et du chant dans la liturgie, spécialement après la réforme liturgique de Vatican II. Ils sont donnés là pour être discutés et approfondis. Toute proposition de citations complémentaires dans cet esprit est bienvenue. Pour ce, écrivez au webmestre : webmestre@ressources-liturgiques.fr.

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  • Luigi Garbini. Nouvelle histoire de la musique sacrée. Du chant synagogal à Stockhausen. Bayard. 2009.

Luigi Garbini est né en 1967, ordonné prêtre à Milan en 1994 par le cardinal Carlo Maria Martini. Musicologue et compositeur, il fonde en 1999 le Laboratoire de musique contemporaine au service de la liturgie. Il commande de nombreuses œuvres musicales et liturgiques à des créateurs contemporains comme Stockhausen, Morricone, Donatoni, De Pablo, Pousseur et Maresz. C'est le créateur de Pause, un festival conçu comme une invitation pluridisciplinaire à l'immersion spirituelle dans le cadre de la cathédrale de Milan.

Résumé du livre

Depuis la nuit des temps, les rythmes, les sons, l'expression musicale ont accompagné de façon privilégiée le sentiment religieux. La civilisation chrétienne est, pour une grande part, une civilisation du chant et de la musique. Luigi Garbini renouvelle entièrement l'histoire riche et passionnée du couple que forment depuis deux mille ans l'Église et ta musique. Il raconte les créations, les réformes, les interdits... Depuis les premiers chants des Hébreux, les débats des Pères de l'Église et des premiers conciles sur ta place du chant et de la musique dans la liturgie et la prière des fidèles, jusqu'aux grandes inventions liturgiques et musicales, et les transgressions nécessaires. L'auteur propose un grand voyage à la découverte de ce patrimoine esthétique et spirituel que vint bouleverser la réforme liturgique du concile Vatican II.

« L'histoire de la musique sacrée est surtout celle de la musique vocale et des étapes de son évolution. Depuis le VIIe siècle on parle de cantilène, et au XIIe le cantus (musica) apparaît comme référent pour distinguer entre la version planus (plain) et les traitements techniques de type mesuré ou brisé (fractus) jusqu'à la codification de l'Ars cantus mesnsurabilis, que Francon de Cologne rédigera dans la seconde moitié du XIIIe siècle. »

(Introduction. pp.17-18)

« Pour remédier à la confusion qui a accompagné les essais de classification fondés sur les distinctions labiles entre sacré, religieux, liturgique et esthétique, le concile Vatican II (1962-1965) a préféré établir une relation de proportion entre le couple sacré/saint et les dynamiques de l'action liturgique, alors que le langage ecclésiastique de l'Instruction Musicam sacram (1967) s'est plutôt focalisé sur les aléas du chant dans le cadre de la fonctionnalité du rite. Ainsi ont été définitivement dévitalisés les paramètres esthético-musicaux fixés par Pie X dans son motu proprio de 1903, dont le propos était de rechercher, à travers la « sainteté » et la « beauté des formes », les caractéristiques stylistiques de la composition sacrée. Réduisant les exigences d'un répertoire musical sacré à des paramètres exclusivement liturgiques, la révolution post-conciliaire s'est libérée d'une histoire musicale bimillénaire qui, sans emploi dans les nouvelles fonctions de la ritualité, est restée sans place bien précise. L'écoute du chant dit « grégorien » s'est trouvée reléguée au cadre restreint de certains ordres religieux, faisant naître en marge du culte un intérêt exclusivement paléographique pour ce répertoire, jadis formé au sein de la liturgie et désormais voué à la typologie du concert.

En outre, une pratique généralisée a exclu de la charge de l'entretien tout ce qui s'était accumulé dans ces jardins au fil du temps, confiant aux disciplines musicales le soin de raconter, du point de vue adéquat, quel fut le fruit de la rencontre accidentelle de la musique et du sacré. »

(Introduction. p.19)

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  • Eugène de Montalembert - Claude Abromont. Guide des genres de la musique occidentale. Fayard. Les indispensables de la musique. 2010.

« Il aurait tout d'abord été possible de regrouper les notices en thématisant les fonctions des différents genres. La distinction entre musique religieuse et musique profane, par exemple, semble une des plus fondamentales, le répertoire religieux étant même à l'origine dec la, notation musicale, de la polyphonie, de la théorie modale, etc. La répartition paraît d'ailleurs assez claire : si une messe fait évidemment partie de la musique religieuse, une symphonie évoque quant à elle immédiatement la musique profane. Mais, en réalité, la situation est plus subtile qu'il n'y paraît au premier abord. Prenons le cas d'une cantate : au XVIIe siècle, la cantate est pour les Italiens l'équivalent d'un petit opéra - genre profane donc - fréquemment composée de trois couples de récitatifs et d'arias ; tandis que pour l'Allemagne du Nord, le plus souvent articulée autour d'un choral, la cantate forme l'un des piliers du culte protestant.
Allons plus loin : une partie des chorals eux-mêmes, pourtant évidemment religieux, provient de Lieder populaires, et il existe des cantates profanes allemandes aussi bien que des cantates religieuses italiennes : voilà un paysage véritablement kaléidoscopique ! Sans oublier les genres qui naviguent entre les deux univers (la sonate baroque) ou qui les superposent (le motet, du XIIIe au début du XVe siècle). Et lorsque Boulez écrit Répons - terme emprunté au répertoire grégorien -, il s'intéresse dans cette oeuvre à l'opposition entre choeur et solistes, non à la dimension liturgique.
L'opposition du sacré et du profane n'est donc pas rigoureuse. Certains genres appartiennent aux deux mondes ; ils sont passés d'un univers à l'autre, notamment par le truchement du contrafactum et de la parodie (mot qui, comme on le verra dans la notice qui le concerne, n'est pas à prendre au sens d' «imitation ironique » ; et quelques compositions semblent, par leur caractère et leur expressivité, se rapprocher de la sphère opposée, comme les dernières sonates pour piano de Beethoven, ou, symétriquement, la musique religieuse de Verdi. »

(Présentation, p. 18)

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  • Jean-François Labie. Le visage du Christ dans la musique baroque. Fayard/ Desclée. 1992.

« Essayer d'atteindre, derrière la voix d'un compositeur de musique d'église, les intentions religieuses qui l'animent, le système de croyances auxquelles il se réfère, peut sembler le plus absurde des paris. Certains spécialistes de la musique vont jusqu'à nier toute possibilité de correspondance entre une oeuvre musicale, même affectée à un cérémonial précis, et un quelconque discours conceptuel. Pour eux, messes, cantates ou oratorios sont des formes aussi dépourvues de signification seconde que peuvent l'être une symphonie, un concerto ou un quatuor. Le radicalisme d'une telle position est d'autant plus choquant que les mêmes auteurs, s'ils viennent à parler d'un opéra, montrent le plus vif intérêt à s'interroger sur la fidélité qui unit la musique au livret.

" La musique est par son essence impuissante à exprimer quoi que ce soit ... " Répétée à loisir hors de son contexte, cette sentence lapidaire de Stravinsky semble justifier une attitude de refus de toute lecture spirituelle d'une oeuvre musicale. Stravinsky lui-même fera machine arrière. Parlant de sa Messe, il expliquera : " Ma messe est liturgique ... En mettant le Credo en musique, j'ai seulement voulu préserver le texte d'une manière particulière. On compose une marche pour aider les hommes à marcher ; ainsi, avec mon Credo, j'espère fournir une aide pour le texte. "

Dans son acceptation d'un fonctionnalisme de la musique, le musicien moderne rejoint ses prédécesseurs de l'âge baroque, bien éloignés de la notion de gratuité de leur oeuvre d'église. Plus que par leurs convictions, leur attitude est modelée par les formes de la société dans laquelle ils vivent et pour laquelle ils composent. »

Igor Stravinsky (1892-1991) Messe pour choeur mixte et double quintette à vents.

Messe pour choeur mixte et double quintette à vents. (Igor Stravinsky) SWR Vokalensemble Stuttgart Ensemble intercontemporain (George Benjamin)

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  • Benoît XVI. L'esprit de la musique. Artège. 2011.

Benoît XVI est allemand et musicien. Évoquant son pays d'origine, il dit lui-même qu'il agrandi dans un univers mozartien. Également grand musicien et excellent pianiste, il est connu comme une mélomane raffiné. En s'appuyant sur une excellente connaissance de la musique, sa pensée théologique a sut puiser dans sa riche expérience pour exprimer au mieuxl'harmonie artistique entre l'homme et Dieu.

L'essentiel des enseignements de Benoît XVI sur le sujet est réuni ici. Cette somme est ainsi une référence pour ceux qui aspirent à une juste conception du rôle de la musique dans la liturgie. Elle nous conduit à définir les conditions d'un « art authentique » capable de nous introduire à la beauté des Saints Mystères.

« Dans l'édition de langue allemande fort répandue des textes du deuxième concile du Vatican par Kark Rahner et Herbert Vorgrimler, le bref commentaire consacré au chapitre sur la musique de la Constitution liturgique commence par une remarque surprenante, selon laquelle l'art véritable, tel qu'on le trouve dans la musique sacrée, " ne s'accorde que difficilement, de par sa nature ésotérique, dans le bon sens du mot, avec la nature de la liturgie et le procipe de base de la réforme liturgique ". Cette phrase est surprenante, parce que le texte qu'elle doit commenter - la Constitution liturgique - considère que la musique n'est " pas seulement une adjonction ou un ornement à la liturgie ", mais qu'elle est elle-même liturgie, partie intégrante de l'ensemble de l'action liturgique.
Certes, Rahner et Vorgrimler ne veulent pas bannir toute musique du culte divin ; ce qui leur semble incompatible avec la nature de celui-ci, c'est seulement l'art proprement dit, c'est-à-dire la musique traditionnelle de l'Église occidentale. C'est pourquoi ils pensent que la recommandation du Concile : " Le trésor de la musique sacrée sera conservé et cultivé avec la plus grande sollicitude ", ne signifie pas " qu'on doive le faire au sein de la liturgie ".
Par conséquent, ils soulignent particulièrement que la recommandation conciliaire relative aux scholae cantorum concerne " surtout " les églises cathédrales et, si l'on s'en tient au contexte, ils donnent à penser que le Concile aurait eu, en fait, tendance à n'accepter ces scholae que là, et encore avec une restriction : qu'elles ne s'opposent pas à la participation active du peuple. Ce qui, d'après Rahner et Vorgrimler, appartient normalement à la liturgie, ce n'est pas " la musique d'église proprement dite " mais " la musique dite utilitaire ".

Il faut avouer qu'effectivement on perçoit nettement dans les textes du Concile une certaine tension où se révèlent d'abord la tension entre les diférentes tendances de l'aula conciliaire, mais plus profondément sans doute, la tension inhérente à la chose elle-même. On trouve dans ce texte, très nettement recommandé, ce que Rhaner et Vorgrimler appellent " la musique d'église proprement dite " : outre les passages déjà mentionnés, il faut faire remarquer l'insistance avec laquelle on y exige une formation à la musique sacrée pour les prêtres, les musiciens d'église, et, surtout, pour les enfants des maîtrises ; il est spécialement recommander " d'ériger ... des instituts supérieurs de musique sacrée ". S'y ajoutent une recommandation particulière en faveur du chant grégorien, mais aussi une adhésion expresse à la polyphonie, une louange presque enthousiaste de l'orgue à tuyaux, dont la formulation a amené J. A. Jungmann à remarquer que le plus ancien des instruments de la musique sacrée était glorifié en termes " tranchant quelque peu sur la sobriété de la langue juridique habituellement utilisée ".
Cependant,  en s'en tenant aux conditions réclamées par la tradition, d'autres instruments sont aussi acceptés dans la musique sacrée. D'un autre côté, on ne saurait nier que, si l'on accepte bien le trésor des oeuvres historiques les plus ambitieuses, on a aussi le désir d'une liturgie absolument accessible à tous, et d'une activité commune de tous au cours du déroulement liturgique, comprenant donc aussi le chant liturgique ; ainsi se manifestent des éléments qui viennent freiner la prédominance de l'aspect artistique.

Si l'on compare maintenant le texte conciliaire lui-même avec le commentaire de Rahner et Vorgrimler, on voit que la relation qu'ils ont entre eux - ceci va plus loin que ce cas particulier - est caractéristique de la différence existant entre ce que sont en eux-mêmes les textes du Concile et la manière dont ils ont été reçus dans l'Église postconciliaire. Le débat conciliaire fait apparaître une sensibilisation à un problème qui n'avait pas été perçu jusqu'ici avec une telle acuité : la tension entre les exigences de l'art et la simplicité de la liturgie s'y fait jour ; au cours d'affrontements entre spécialistes et pasteurs, les préoccupations pastorales ont pris le dessus et ont commencé à déséquilibrer la conception d'ensemble.
Le texte lui-même a gardé, dans la lutte pour l'unanimité un équilibre difficile, mais a été néanmoins lu selon la nouvelle sensibilité à l'un des aspects en question, si bien que cet équilibre aboutit à une recette très commode : pour la liturgie, de la musique utilitaire ; la " musique d'église proprement dite " pourra être pratiquée ailleurs : elle n'a pas sa place dans la liturgie. Seulement on ne s'est pas apreçu, pour commencer, que, dans ce cas, " la musique d'église proprement dite " n'en était plus une et que dans l'Église, il n'y aurait plus du tout de " musique d'église proprement dite ".

Durant les années qui se sont écoulées depuis, on a ressenti toujours plus tristement l'appauvrissement effrayant de la mise à la porte de l'église de la beauté gratuite, remplacée par une soumission exclusive à l' "utilitaire". Mais le froid que fait passer sur nous la morne liturgie postconciliaire, ou simplement l'ennui que provoque son goût pour le banal et sa médiocrité artistique, ne suffisent pas à tirer la question au clair ; malgré tout, cette évolution en est arrivée à un stade qui permet à nouveau de poser des questions.

Essayons d'éclairer le problème : l'art véritable est " ésotérique, dans le bon sens du mot ", disent Rahner et Vorgrimler ; la liturgie est simple, elle doit pouvoir être accomplie par n'importe qui, et précisément aussi par l'homme le plus modeste. La liturgie peut-elle donc supporter la musique sacrée proprement dite, va-t-elle même jusqu'à la réclamer, ou bien l'exclut-elle ? Quand on cherche dans la tradition théologique une solution à ces questions, on ne se trouve pas devant une abondance de réponses. Les rapports entre théologie et musique sacrée semblent toujours avoir été quelque peu froids. Pourtant, si nl'on veut trouver une réponse qui offre un sens, on ne peut la chercher qu'au sein de l'identité historique du fait chrétien, c'est-à-dire au sein de la tradition, car c'est seulement là que le problème a été vécu, c'est seulement là qu'on a pris position sur les réalités en cause, sur la liturgie qui s'est développée au cours de l'histoire, sur la musique sacrée qui s'est formée au cours de cette histoire.

Certes, les aspects du problème ont varié au cours des temps. Chez Rahner-Vorgrimler, c'est l'affrontement de l' "ésotérisme " et de l' " utilitaire ", leurs suffrages allant à ce dernier. Peut-être faut-il ne pas chercher trop de philosophie dans cette manière de voir ; elle correspond à un réflexe dû à des attitudes pastorales courantes, reflet de la querelle entre l'homme de la pratique et du pragmatisme et du musicien professionnel. Certes, il y a des causes intellectuelles historiques plus profondes : à l'enthousiasme musical évident du Baroque a succédé le Siècle des Lumières avec son penchant pour la pédagogie, pour la raison et le bon sens ; au cécilianisme a succédé le Mouvement liturgique, d'abord avec un attachement plutot exagéré pour le chant grégorien, ce qui était en accord avec le caractère archaïsant d'une grande partie de ce mouvement, puis avec un penchant pour l'utilitaire, le facile, la participation de tous à tout. Sans doute faut-il voir là le reflet de la situation propre à une époque où l'art se réfugie dans la spécialisation, dans les plus hautes performances, ne laissant d'autre issue à la foule, à côté d'abstractions abstruses, que la rengaine.

Sans doute perçoit-on ici, plus profondément, la détresse d'une époque déchirée qui, par son rationalisme, a créé le dilemme professionalisme ou banalité, et qui, par son attachement au fonctionnel, a dans une large mesure oté, avec le sens de l'ensemble, tout fondement à une expression artistique vivante. Enfin, on peut voir ici une conception de l'activité, de la communauté et de l'égalité telle qu'on ne ressent plus comme une réalité le pouvoir d'unification qu'ont l'écoute commune, l'étonnement commun, l'émotion commune à une profondeur qui échappe à la parole. Quoi qu'il en soit, dans les expériences faites ces dernières années, une chose est à coup sûr devenue claire : le repli sur l'utilitaire n'a pas rendu la liturgie plus ouverte, elle l'a seulement appauvrie. La simplicité nécessaire ne peut être obtenue pare l'appauvrissement. »

(Extrait du chapitre 1,
Les fondements théologiques de la musique sacrée.
Introduction : nouvel éclairage de la discussion
postconciliaire sur la musique sacrée.
Ces pages viennent du livre :
Joseph Ratzinger, La célébration de la Foi,
essai sur la théologie du culte divin
,
p. 93 à120, Téqui, 1995).

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Benoît XVI (et avant lui Joseph Ratzinger ...) a beaucoup écrit sur la musique sacrée. Il en précise encore la nature et les questions qui en découlent dans une table ronde sur « La profession de musicien sacré aujourd'hui »le 25 mai 1975. On trouve ce texte en suivant ce lien :
« La profession du musicien sacré aujourd'hui ».

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  • Sacrosanctum Concilium 100

    Extrait de la Constitution Sacrosanctum Concilium

    Participation des fidèles.

    SC 100. Les pasteurs veilleront à ce que les Heures principales, surtout les vêpres, les dimanches et jours de fêtes solennelles, soient célébrées en commun dans l'église. On recommande aux laïcs eux-mêmes la récitation de l'office divin, soit avec les prêtres, soit lorsqu'ils sont réunis entre eux, voire individuellement.