Le peuple qui marchait dans les ténèbres — Ressources liturgiques - Association Sacrosanctum Concilium

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Le peuple qui marchait dans les ténèbres

Une méditation du P. Gilles Drouin, directeur de l'ISL.

 

Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière


Peuple de Dieu, peuple catholique qui ressemble de plus en plus au petit reste désigné par Isaïe, nous sommes ce peuple qui marchons dans les ténèbres. Et nous nous demandons peut-être quand la lumière va se lever. Peuple de Dieu, corps du Christ meurtri, jusqu’à la nausée, par la révélation des abus de toutes sortes commis par certains des nôtres, et parfois par ceux que nous considérions comme les meilleurs, nous marchons depuis quelques années dans une ténèbre pesante, étouffante. Et une fois encore nous nous demandons peut-être, et légitimement, quand va se lever la lumière sur notre Eglise. Notre situation ressemble par bien des aspects à celle qu’a vécu le peuple d’Israël, durant l’Exil. Pas durant l’Exode, cette grande épopée de libération mais durant l’Exil, cette catastrophe considérée par beaucoup, moins comme la conséquence que comme le pendant de l’idolâtrie, le péché par excellence dénoncé sans relâche et sans succès par des générations de prophètes préexiliques. Pour le peuple dépositaire de la foi en un Dieu unique, l’idolâtrie est la menace constante. Et les mises en gardes, les dénonciations vigoureuses n’y ont rien fait, il a fallu l’Exil, pour que se décape, s’émonde, se purifie tout ce qui dans les institutions, la spiritualité, la conscience de soi d’Israël pouvait servir de point d’appui à la reviviscence de l’idolâtrie. Les analogies historiques sont aussi fécondes que hasardeuses mais nous pouvons tenter de donner sens au temps que nous vivons en le considérant comme un temps d’Exil.

Pour une religion pour qui le corps est un élément cardinal de sa théologie et de sa spiritualité, notre Dieu n’a-t-il pas pris corps d’homme, ne faisons-nous pas mémoire à chaque messe de son corps livré, torturé, ne recevons-nous pas son corps en communiant, et la visée de tout le christianisme n’est-elle pas de faire corps, la visée de chacune de nos assemblées qui en cela rejoint la visée de l’histoire de l’humanité toute entière appelée à être réunie en un seul corps sous un seul chef ? Pour une religion du corps, la tentation d’abuser le corps, corps propre et corps ecclésial souvent sordidement mêlés dans une commune profanation, parfois même avec le corps eucharistique comme dans une affaire récente, est probablement à la fois la tentation et le péché par excellence, comme l’idolâtrie l’était pour nos pères de la première Alliance. Et le corps ecclésial en est profondément et durablement meurtri, nous ne le savons que trop, en l’expérimentant dans notre propre chair, chair ecclésiale s’entend.

 

Le parallèle avec l’Exode n’est pas là pour nous faire dire avec un semblant de légèreté : ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Tout d’abord parce que l’Exil, ça a duré 70 ans, ensuite parce que le corps a été durement émondé, taillé et que tout a dû y passer : ses institutions, nombre de ses certitudes parmi les plus solidement établies, pour qu’émerge, forgé dans l’épreuve un judaïsme renouvelé, armé pour affronter une histoire faite de sang et de larmes qu’il a pu aborder avec la force d’une fidélité, d’une foi passée au feu de l’épreuve.

Mais en ce soir de Noël, nous pouvons, nous devons puisque la liturgie nous le demande, regarder, contempler un corps, le corps innocent d’un Enfant. Une petite masse de chair et de sang dans laquelle nous reconnaissons, avec Marie, avec Joseph, avec les bergers, avec les anges, la plénitude de la Divinité, la Toute-Puissance désarmée, aussi désarmée qu’elle le sera quand le même corps, trente ans plus tard sera exposé, nu, bafoué, humilié au Golgotha. Dès sa naissance Dieu est du côté des enfants, des petits, des pauvres, sur la Croix il est définitivement du côté des victimes. Ce corps que nous adorons n’est pas le corps parfait, idéalisé des magazines, il est un corps désarmé, un corps humilié. Un corps livré aux mains des bourreaux, des prédateurs de tous les temps. Et nous saisissons peut-être un peu mieux, en nous mettant devant la Crèche et devant la Croix, inséparablement comme aimaient à le donner à voir discrètement les peintres du XVIIe siècle pour qui les langes de Bethléem évoquaient toujours le linceul du tombeau et le corporal de nos eucharisties, en nous agenouillant devant la Crèche et au pied de la Croix, nous pouvons peut être un peu mieux saisir combien l’abus des corps, corps de chair et corps ecclésial presque toujours liés, n'est peut-être pas le péché contre l’Esprit dont parle Jésus, mais une abomination, une abomination d’une espèce très particulière en ce qu’elle touche au centre le plus saint de notre foi chrétienne. Le corps : corps propre, corps ecclésial et corps eucharistique une fois encore à jamais unis, distincts mais jamais séparés dans le corps du Christ.

 

  • Sacrosanctum Concilium 7

    Extrait de la Constitution Sacrosanctum Concilium

    Présence du Christ dans la liturgie.

    SC 7. Pour l'accomplissement d'une si grande œuvre, le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le sacrifice de la messe, et dans la personne du ministre, « le même offrant maintenant par le ministère des prêtres, qui s'offrit alors Lui-même sur la croix » et, au plus haut point, sous les espèces eucharistiques. Il est là présent par sa vertu dans les sacrements au point que lorsque quelqu'un baptise, c'est le Christ Lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa parole, car c'est Lui qui parle tandis qu'on lit dans l'Église les saintes Écritures. Enfin, Il est là présent lorsque l'Église prie et chante les psaumes, Lui qui a promis : « Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, Je suis là, au milieu d'eux » (Mat. 18, 20). Effectivement, [...]